Où va la Conférence ?

8/4/1947

(De notre envoyé spécial à Moscou, Georges Le Brun Keris)

Les réunions creuses succèdent aux réunions sans issues. Tout donne l'impression d'une attente. Cette impression n'est pas fausse. Depuis la seule réunion secrète qu'aient tenue les Quatre, la Conférence est comme suspendue.

En fait on attend la réponse de M. Molotov à l'ultime proposition faite par le général Marshall au cours de cette réunion secrète... De cette réunion dépend le succès aux échecs de la Conférence. Nos lecteurs se rappellent cette proposition de M. Marshall. Il accepterait le principe des réparations sur la production courante, mais dans un cadre extrêmement limité. Voilà à peu près son raisonnement :

« La hausse du niveau industriel allemand empêchera la livraison aux alliés de certaines usines qui devaient leur être remises à  titre de réparation. Il en résultera un manque à gagner pour les ayants droit. J'admettrais que ce manque à gagner soit compensé par une répartition proportionnelle des réparations sur la production courante. »

Le général Marshall a proposé cette solution un peu comme on met le poing  sur la table : »C'est à prendre ou à laisser, a-t-il dit, je n'irai pas au-delà. »

M Molotov n'a pas répondu sur le moment, mais les informations que j'ai pu recueillir m'inclinent à penser qu'il étudie à fond la question. Les Russes sont des gens concrets. Aussi leurs experts travaillent-ils à chiffrer ce que représenterait pour l'URSS la suggestion du général Marshall, en attendant de gagner du temps.

On prête toutefois l'intention au Secrétaire d’État américain l'intention de brusquer le dénouement. Il veut de la sorte que la Conférence aborde trois sujets auxquels il est spécialement attaché : le pacte à quatre, les frontières de l'Allemagne et de la Ruhr. Quand on en viendra à cette partie de l'ordre du jour, il exigerait que M. Molotov dise ou ou non.

Le général Marshall n'est pas seul à attendre la réponse de M. Molotov. Nous-mêmes, ne savons toujours pas ce que celui-ci pense de la Sarre, de notre approvisionnement en charbon. Dans la presse française, on a bâti pas mal de romans autour de cette affaire de charbon. Il est d'ailleurs difficile de discerner le peu de vrai dans l'abondance du faux. Un point est certain : seul, un accord des Quatre pour que la Sarre et son charbon soit incorporés dans l'économie française, nous donnerait pleine garantie. Telle est la vraie Conférence, celle qui ne se déroule pas au Club des Aviateurs. Mais dans les couloirs de l'hôtel Moskowa et les salons des ambassades.

Avec l'effort certain que montrent Anglais et Américains pour comprendre notre point de vue sur l'organisation politique de l'Allemagne, c'est du moins ce que la plupart des observateurs un peu de tous les pays voient de plus saillant en cette nouvelle phase du Conseil des Quatre.